Dans l’obscure loi Egalité et citoyenneté, qui n’a intéressé personne, les entreprises viennent de subir un nouveau coup dur. Même s’il est minime en apparence, il illustre bien la toxicité des dogmes idéologiques en vigueur dans la représentation nationale.
Un amendement socialiste sur la discrimination
Les députés socialistes Hammadi (Seine-Saint-Denis, proche de Benoît Hamon), Bies (Bas-Rhin), Chapdelaine (ille-et-Vilaine), Corre (Loiret), ont déposé un amendement à la loi prévoyant ceci:
Après l’article L. 1131‑1 du code du travail, il est inséré un article L. 1131-2 ainsi rédigé :
« Art. 1131‑2. – Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés et dans toute entreprise spécialisée dans le recrutement, les employés chargés des missions de recrutement reçoivent une formation à la non-discrimination à l’embauche au moins une fois tous les cinq ans. »
On ne dira jamais assez l’absurdité de ce genre de mesure, qui repose sur l’idée naïve que « les employés chargés de mission de recrutement » forment obligatoirement un service à part, où l’on reste en poste au moins cinq ans.
Mais supposons…
L’égalité et le service public: un malheureux oubli
Il se trouve que, quelques jours plus tard, un rapport officiel, remis au Premier Ministre, dressait un état des lieux sur les discriminations à l’embauche dans la fonction publique. Ce rapport L’Horty a le mérite d’évaluer, pour la première fois, l’écart qui sépare l’administration et l’égalité des chances. Enfin!
Le rapport précise que l’administration recrute chaque année 500.000 nouveaux agents publics. Ce n’est pas rien! Le service public est le premier recruteur de France et pratique au moins aussi largement que les entreprises la discrimination à l’embauche.
Pourquoi le législateur, et spécialement les députés socialistes qui ont amendé la loi, ont-ils réservé aux seules entreprises l’obligation de se former à la lutte contre les discriminations et en ont exempté le service public?
Quand les entreprises aiment leur mal
Les premières responsables de ce deux poids deux mesures sont les entreprises elles-mêmes, et en particulier les grandes entreprises. Ce sont elles qui inondent les décideurs publics avec des lobbyistes professionnels qui appellent à l’édiction de normes empoisonnant la vie quotidienne des petits employeurs.
Dans le cas de la loi Egalité et Citoyenneté, voici par exemple la réponse de la sous-ministre Bareigts à l’amendement:
Nous partageons bien entendu cet objectif de lutte contre les discriminations et nous savons que cela passe par des outils répressifs et aussi par une meilleure sensibilisation des acteurs de l’entreprise, en particulier de ceux qui sont chargés du recrutement et du management de proximité. Ce constat a été tiré par les membres du groupe de travail « lutte contre les discriminations dans l’accès à l’emploi et au travail », présidé par Jean-Christophe Sciberras, ce qui a conduit le Gouvernement à développer la sensibilisation du grand public (…)
Sciberras? Ancien inspecteur du travail, devenu directeur des ressources humaines de Solvay, géant belge de la chimie, et président de l’Association Nationale des Directeurs de Ressources Humaines (ANDRH).
L’égalité, une arme pour distordre la concurrence
On ne perdra pas ici son temps à énumérer la longue liste des grandes entreprises qui se félicitent lorsqu’une norme de ce genre est votée. C’est une nouvelle façon d’alourdir les frais généraux des petits concurrents et de les insécuriser juridiquement.
C’est pourquoi tant de « think tanks » rassemblent des moyens colossaux pour épaissir chaque jour un peu plus les strates réglementaires qui entravent la compétitivité française. Je rappellerai simplement ici les coupables travaux de l’Institut Montaigne qui, au nom du libéralisme, demandent sans cesse plus de règles, plus de réglementation, plus de normes.
Ces structures financées par les grandes entreprises ont un objectif transparent: utiliser la loi comme arme pour disqualifier les plus petits acteurs du marché.
Le gouvernement profond au-dessus de l’égalité
On ne s’étonnera pas que la technostructure, bras armé du gouvernement profond, se place au-dessus des lois. L’Etat n’a pas à lutter pour l’égalité dans ses rangs. Selon une fiction validée par les thuriféraires du « système », l’Etat est l’égalité incarnée. Qu’importe donc s’il discrimine à tour de bras. Parce qu’il est l’égalité, il n’a plus de compte à rendre sur ce sujet.
Chacun a bien compris l’idée implicite qui sous-tend ce privilège: la technostructure entend bien utiliser l’égalité comme arme pour asservir la société, pour la culpabiliser. Et pendant ce temps, les ors de la République brillent au soleil.