La loi de sécurisation de l'emploi a créé l'article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale qui définit le principe de la portabilité des garanties. Mais ces dispositions semblent difficiles à appliquer dans le cadre d'une liquidation judiciaire. Qu'en est-il ?
La portabilité des garanties en cas de rupture du contrat de travail
La portabilité permet aux salariés couverts par un régime collectif frais de santé ou bien prévoyance, de continuer à bénéficier gratuitement du régime en cas de cessation de leur contrat de travail à condition que cette cessation ne soit pas consécutive à une faute lourde. De plus, pour bénéficier de la portabilité des garanties, l'ancien salarié doit être pris en charge par le régime d'assurance chômage.
Les conditions de la portabilité sont strictement définies par la loi mais le cas de la liquidation judiciaire n'a pas été prévu. L'article 4 de la loi de sécurisation de l'emploi prévoyait pourtant qu'un rapport devait être remis au Parlement avant le 1er mai 2014 sur les modalités de prise en charge du maintien des couvertures collectives pour les salariés des entreprises en liquidation judiciaire : mais ce rapport n'a pas vu le jour.
Dans le rapport Libault, publié en septembre 2015, il est d'ailleurs fait brièvement allusion (à la page 26) à cette situation sans qu'aucune piste particulière ne soit évoquée. Ce rapport ne propose rien de réellement innovant en annonçant que la portabilité ne pourra s'organiser qu'avec un niveau élevé de mutualisation grâce aux fonds de solidarité. Ces fonds émergent petit-à-petit dans les récents accords santé signés, mais ils ont pour objectif de financer le degré élevé de solidarité et non la portabilité des garanties en cas de liquidation de l'entreprise.
La liquidation judiciaire empêche-t-elle la portabilité des droits ?
La liquidation judiciaire est la procédure qui permet de régler le passif d'une entreprise débitrice en cessation de paiement. C'est-à-dire qu'il est mis fin à l'activité de l'entreprise afin de rembourser ses dettes, ce qui peut entrainer par extension la rupture du contrat de travail de ses éventuels salariés. Cette procédure crée plusieurs obstacles à la portabilité des garanties et différents cas de figure sont à envisager.
D'abord, si l'entreprise est en liquidation judiciaire et ne peut plus payer ses créanciers : si l'employeur ne s'acquitte pas de sa part de cotisation au régime collectif, l'organisme assureur est en droit de rompre le contrat. Dans un tel cas, les salariés ne seront plus couverts par le régime collectif et ne pourront pas prétendre, lors de la rupture de leur contrat de travail, au bénéfice de la portabilité.
Ensuite, dans le cas où le contrat de couverture collective serait toujours financé par l'employeur, plusieurs situations peuvent émerger. D'un côté, il peut y avoir des salariés maintenus dans l'entreprise qui continuent à bénéficier du régime collectif. De l'autre, des licenciements économiques peuvent être prononcés. Dans ce cas, les salariés doivent remplir les conditions décrites par l'article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale pour bénéficier de la portabilité des garanties.
Mais dans bien des cas, la société liquidée finit par ne plus exister, ce qui met nécessairement fin au contrat collectif. D'après les textes, cela mettrait fin à toutes les dispositions de la couverture complémentaire santé et donc les anciens salariés ne pourraient pas bénéficier de la portabilité des garanties.
La portabilité des garanties en cas de liquidation judiciaire fait face à un vide juridique qui perdure. Pourtant le financement de la portabilité est bien compris dans les cotisations versées aux organismes assureurs ! Les salariés et leurs employeurs financeraient donc des prestations qui ne seraient pas fournies en cas de liquidation de l'entreprise menant à sa disparition... de plus en plus de voix s'élèvent contre cette insécurité juridique mais le temps passe et le Gouvernement ne semble pas trouver urgent d'apporter une solution.